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Résumé de l'opéra |
La Tétralogie est composée de quatre opéras: L'or du Rhin, Walkyrie, Siegfried et le crépuscule des dieux.
1.1.1. Scène 1
Lorsque le rideau se lève, les filles du Rhin, jouent, insouciantes
au fond du fleuve. Qui sont-elles ? D'où viennent-elles ?
Qui est le père qui a fait d'elles les gardiennes de l’Or
? Nous ne le saurons jamais. Les faits sont là ; l'Or existe.
Un démiurge a, depuis longtemps crée l'univers avec
ses trois mondes :
- le domaine des dieux, dans le ciel et la lumière.
- celui des puissances chthoniennes (au sein de la terre), dans
les ténèbres, le domaine d'Albérich, qui dès
maintenant entre en scène.
- au milieu la nature et l'humanité, entretenant avec les
deux autres mondes des relations obscures et bien mystérieuses.
Dans la Tétralogie, ces mondes n'ont pas de frontières
bien définies, et par la force des choses chacun prend l'apparence
humaine (1).
A quel monde appartiennent les filles du Rhin ? Peu importe ; elles
sont femmes, et par leurs jeux lascifs, excitent le nain Albérich,
peu gâté par la nature. Tour à tour, après
avoir exercé leur séduction, elles se dérobent
à lui en se moquant. C'est alors que l'Or se met à
briller ; et les trois étourdies révèlent au
Nibelung, exaspéré par leur jeu féroce, le
fameux secret : l'Or peut donner à son possesseur la puissance
absolue, en forgeant l'Anneau. Et en même temps elle révèle
la méthode pour se rendre maître de cet Or : renoncer
à l'amour. Et le Nibelung, repoussé, ridiculisé,
accomplit l’impensable : « Je vous éteins la
lumière / J'arrache l'Or au récif / Et forge l'anneau
vengeur / Et que l'entendent les flots / Ainsi je maudis l'amour.
»
(1) C'est ce qui se passe dans toutes les mythologies, où les dieux et les démons prennent l'apparence humaine, pour se mêler aux actions des hommes.
1.1.2.1. Scène
2
Nous sommes maintenant dans le domaine des dieux. Au fond se dresse
le château, le Walhall, dont la construction vient d'être
achevée par les géants Fasolt et Fafner, les derniers
de la race. Apparemment les dieux, durant le temps de la construction
étaient en état d'hibernation ; Fricka se réveille
la première et secoue son époux, Wotan, sortant lentement
de son rêve dont l'objet n'est autre que le château
lui-même.
Il faut maintenant songer au salaire des bâtisseurs. L'imprudent
Wotan avait conclut un étrange marché : offrir la
jeune déesse Fréia, soeur de Fricka, en mariage à
Fasolt en échange du travail. En fait, Wotan, qui règne
en maître sur les trois mondes, espère bien, grâce
à son pouvoir (2) qu'il croit sans limites, berner les géants
et garder Fréia auprès des dieux. Nécessité
vitale puisque celle-ci, grâce aux pommes d'or qu'elle cultive,
garde aux dieux, jeunesse, force et beauté.
Mais les géants exigent le respect du contrat : «...
écoute et prends garde / respecte les contrats. / Ce que
tu es, / tu l'es grâce aux contrats / penses-y / ils fondent
ton pouvoir /... / reste fidèle aux contrats / un géant
tout bête / te le conseille / sage, apprends-le de lui. »
En fait, Wotan comptait, pour se sortir de ce mauvais pas, sur le
demi-dieu, Loge ; celui-ci est en même temps, le confident,
l'ami, le serviteur, mais aussi l'esclave et l'âme damnée.
Loge est parti explorer les trois mondes à la recherche d'un
salaire de substitution. Il arrive à point nommé,
mais les mains vides.
(2) Nous ne saurons qu'au prologue du Crépuscule des Dieux d'où il tient ce pouvoir. Le gage de son oeil gauche lui donnant accès à la source et à l'arbre sacré. IL faut, pour en savoir plus sortir de la Tétralogie.
Wotan: « Loge, enfin ! / Tu n'es
pas pressé d'arranger / la querelle issue du contrat / par
toi malignement conclu ?». Le dieu se comporte là comme
un vulgaire haut responsable, faire endosser à un subalterne
la responsabilité de son inconséquence. Loge encaisse
le coup : « l'ingratitude est mon merci.», mais tout
en avouant son échec, il tisse déjà le piège
où vont tomber les géants. «Aussi loin que va
la vie, / dans l'eau, sur terre et dans les airs, / je cherchai,
/ ; demandai partout / où la force bouge / et les germes
poussent, / ce qui à l'homme / semble le plus fort / que
la femme et ses délices ? / Mais aussi loin que va la vie,
/ on se rit de moi / et de mes astuces : / dans l'eau, sur terre,
et dans les airs / nul ne renonce / à la femme, à
l'amour ». Et il évoque « l'Or vermeil du Nibelung
». Le piège se referme, les géants, éblouis
par l'Or acceptent un nouveau marché, mais emmènent
Fréia en otage. Wotan accompagné de Loge descend dans
l'antre d'Albérich pour tenter de lui ravir son or.
1.1.3.2. Scène 3
Mime est aux prises avec son frère Albérich, dont
il vient d'achever le heaume magique, conçu par le Nibelung
désormais possesseur de l'anneau qui donne la relative (3)
toute puissance. Le heaume, Tarnhelm, permet à celui qui
le porte de prendre n'importe quelle forme, et même de devenir
invisible. Mime tente de dissimuler à son frère que
le travail est achevé, mais Albérich n'est pas dupe
et lui arrache « l'auguste joyau » ; avec l'anneau,
forgé avec l'Or du Rhin, Albérich est maintenant maître
absolu de son royaume souterrain, et espère bien étendre
sa domination à l'univers entier.
Arrive le couple Wotan/Loge. Flatteries classiques en pareilles
circonstances, entraînant Albérich à l'erreur
fatale. Pour démontrer sa puissance, il se transforme en
un terrible serpent (ou dragon), puis Loge : « vite tu te
fis / serpent géant ; / je l'ai bien vu ; / je crois donc
au miracle. / Tu as su grandir, / mais sais-tu aussi / te faire
tout petit ? »
Albérich se transforme alors en crapaud : « Là,
le crapaud, / attrape-le vite !».
C'en est fini des rêves de domination du Nibelung.
(3) On verra que, bizarrement, l'anneau maudit ne donne aucun pouvoir à son possesseur!
1.1.4.3. Scène 4
Loge et Wotan remonte leur prisonnier,
et, en échange de sa liberté, celui-ci doit donner
l'or qu'il a amassé en contraignant les Nibelungen à
travailler pour lui, le heaume, et finalement l'anneau. C'est alors
qu'Albérich prononce la malédiction sur laquelle repose
l’oeuvre tout entière :
« L'anneau qu'en maudissant je réussis / qu'il soit
maudit / si son or / me donna le pouvoir / que son charme donne.
La mort à celui qui le porte ! /Que nulle joie il ne donne
/.../ Ainsi - dans sa misère le Nibelung / bénit son
anneau !-/ garde-le donc. »
Albérich disparaît et Wotan se retrouve en compagnie
des dieux, au moment où les géants reviennent accompagnés
de Fréia. Le marché est simple ; les dieux devront
amasser de l'or devant Fréia jusqu'à ce qu'elle disparaisse
aux yeux du géant amoureux, Fasolt. Mais, ni l'or, ni le
heaume n'y suffise : « Hélas ! Je vois / scintiller
son regard / l'étoile d'un oeil / m'illumine encore, / à
travers une fente / je le vois ». Alors, Fafner : «
Au doigt de Wotan / scintille un anneau d'or / bouclez-en la fente,
voyons»
Mais Wotan n'a guère été impressionné
par la malédiction du Nibelung ; le désir de puissance
est le plus fort. Il faudra l'intervention de Erda (4) pour le faire
céder : « Cède Wotan. Cède ! / Fuis la
malédiction ! / La possession de l'anneau / te voue sans
retour / à ta perte.»
(4) Erda est la déesse de la terre, elle apparaît,
dans la Tétralogie, comme une puissance créatrice;
c'est en tout cas une instance suprême, qui semble se situer
au-dessus des dieux.
L'anneau rejoint la rançon. Fafner
tue Fasolt ; premier effet de la malédiction. Fafner emporte
le trésor. IL ne sera plus que gardien d'un trésor
dont il est incapable de jouir ! Il s'achemine vers Neidhöhle,
son antre, où transformé en dragon grâce au
heaume, il attendra Siegfried.
Siegfried ! Wotan y pense déjà, puisque ce prologue
s'achevant sur l'entrée triomphale des dieux au Walhall,
la musique mêle aux thèmes musicaux liés aux
dieux le thème de l'épée, symbole du héros
à venir.
Plainte des filles du Rhin pleurant l'Or perdu, mais aussi frémissement
de Loge peu pressé de rejoindre les dieux, dont il pressent
la fin à terme
1. La Walkyrie. 1. Première journée |
La tétralogie est hors du temps.
Que c'est-il passé depuis l'entrée des dieux au Walhall.
On ne peut que l'imaginer. Nous finissons par comprendre que Wotan
a quitté le Walhall pour connaître des aventures terrestres.
Il s'agit pour lui de réaliser son rêve d'un héros
libre, capable d'accomplir l'acte rédempteur: la reconquête
de l'anneau, qu'il ne peut entreprendre lui-même.
Le Walhall servira de caserne à une armée de héros
devant permettre aux dieux de maintenir leur suprématie au
sein d'un monde où se multiplient les espèces. Les
Walkyries, filles de Wotan et de mère inconnue, sauf Brünnhilde,
fille de Erda (5), sont justement chargées
de recruter cette armée. La méthode est simple: exciter
les hommes afin qu'ils s'affrontent; parcourir les champs de batailles,
récupérer les héros morts au combat, et les
conduire au Walhall où ils sont recyclés. Ainsi Wotan
( ou plutôt Wagner ) transforme-t-il le Walhall paradis des
guerriers courageux, en centre de recrutement.
Mais se protéger de qui? De quoi? D'Albérich bien
sûr, l'éternel ennemi, qui pourtant n'est plus à
craindre depuis qu'il a été dépossédé
de l'anneau. Wotan, cependant n'a guère confiance en la garde
de Fafner, et Wotan craint (ou feint de craindre) une astuce du
Nibelung lui permettant de reconquérir l'anneau; car cette
fois-ci c'en serait fait des dieux.
Neuf Walkyries, mais seule Brünnhilde est chère au coeur
du dieu; pour elle seule il est un père véritable.
Cette présence ne peut cependant apaiser son tourment. Car
on s'en rendra vite compte, la crainte d'Albérich n'est qu'un
faux-semblant. Wotan rêve d'une nouvelle liberté, et
d'un savoir nouveau. Il a cru enfermer l'essentiel dans les murailles
du Walhall, mais ce qui compte pour lui, est resté à
l'extérieur. Le dieu décide alors de parcourir la
terre, devient loup, crée la race des Walsüngen, et
donne naissance au couple de jumeaux, Siegmund et Sieglinde.
Siegmund doit être le héros, libre de tout pacte, peut
sans craindre la malédiction, reconquérir l'anneau.
Car tel est à ce moment le projet de Wotan Mais au cours
d'une randonnée en compagnie de Siegmund Wotan retrouve son
foyer détruit, la mère des jumeaux tuée, Sieglinde
disparue. Siegmund abandonné par son père, erre, poursuivi
par le clan de ses ennemis. C'est alors que s'ouvre le premier acte.
(5) Les huit autres Walkyries sont peut-être aussi fille de Erda, mais cela reste douteux.
1.1.5. Acte I
1.1 5.1.1. Scène 1
Un orage éclate, Siegmund harassé, entre dans la demeure
qui se dresse devant lui. C'est la demeure de Hunding, menant la
meute de ses poursuivants. Sieglinde l'accueille, le soigne; le
désaltère.
1.1.5.2.2. Scène 2
Arrivée de Hunding. Le récit de Siegmund lui fait
comprendre qu'il a devant lui celui qu'il poursuivait, mais respectueux
des règles d'hospitalité, il provoque en combat Siegmund
pour le lendemain :
« Demain, fils-de-loup, je te trouve. Tu m'as bien compris
1.1.5.3.3. Scène 3
Siegmund reste seul. Tout à coup,
alors que celui-ci rêve à l'épée promise
« pour l'instant du pire danger », un éclair
illumine la pièce provenant du frêne qui soutient la
maison de Hunding. C'est alors l'arrivée de Sieglinde : «D'un
lourd sommeil dort Hunding. J'ai fait ce qu'il faut pour cela ».
Puis elle révèle à Siegmund l'existence d'une
arme « au plus fort destinée ». L'éclair
de lumière provenait de l'épée plantée
dans le tronc du frêne par Wotan lui-même.
Dans un moment d'extraordinaire exaltation, Siegmund reconnaît
sa propre soeur, arrache l'épée du tronc, et s'unit
à Sieglinde.
1.1.6.1. Acte II
1.1. 6.1.1. Scène 1
Wotan exhorte Brünnhilde à se préparer au combat
qui s'annonce. Elle doit donner la victoire au Walsüng et abandonner
Hunding dont il ne veut pas au Walhall. Mais Fricka s'approche et
réclame au dieu la victoire pour Hunding ; elle a pour cela
une double raison : venger son propre honneur, puisque les jumeaux
sont enfants illégitimes de Wotan, et qui plus est, incestueux,
faire respecter les liens sacrés du mariage.
Fricka n'aura aucune peine pour venir à bout de la volonté
de son époux. D'un côté, la part du rêve
avec le Walsüng : l'aventure libre, à la recherche d'un
destin qui échappe aux arcanes d'un monde transcendant, de
l'autre, le choix d'un monde figé par une loi inflexible,
mais grâce à cela pouvant perdurer éternellement.
Wotan cède, en quelque sorte, à la raison d'état.
Il accepte les exigences de Fricka : que Siegmund meurt, et que
ce soit l’oeuvre de la Walkyrie.
1.1.6.2.2. Scène 2
Scène capitale. Wotan se retrouve face à Brünnhilde
comme devant sa propre conscience :
«Que reste éternellement / inexprimé / ce que
le ne dis à personne. / Je me parle en te parlant ».
Dans certaines mises en scène, Wotan parle à sa propre
image, soit renvoyée, par un miroir, soit par le bouclier
de Brünnhilde. Celle-ci à anticipé les paroles
de son père, lui disant : « Tu parles à ta volonté
/ me disant ce que tu veux ; / qui suis-je, / sinon ta volonté
? »
Brünnhilde renvoie à son père sa propre image,
affirmant par là qu'elle n'est qu'un reflet du dieu, mais
qu'elle se protège aussi, derrière son bouclier du
regard du dieu. Le bouclier reflète et sépare. Brünnhilde
affirme être la conscience de Wotan, mais pas de n'importe
quelle conscience ; et nous allons la voir se libérer de
la conscience aliénée de Wotan, pour accéder
à sa propre conscience qui est la vraie conscience du dieu.
Et Wotan donne libre cours à son trouble et à son
désespoir. Il revient sur les circonstances de la malédiction
qui pèse sur lui : « J'ai touché l'anneau d'Albérich.
/ Avide, j'ai caressé l'or. / La malédiction que j'ai
fuie / ne me fuit plus maintenant.»
Il a rêvé d'un héros capable de racheter sa
faute. Cette passion, il l'exprime sans retenu à Brünnhilde,
qui peut-être, déjà, commence à aimer
celui dont elle sera mère et amante.
« Un seul pourrait / ce qui m'est interdit / un héros
que jamais /je n'aurai aidé / qui, étranger au dieu,
libre de toute faveur / inconscient / sans ordre / de sa propre
poussée / de sa propre arme / commettrait l'acte / que je
dois craindre, / que jamais ne lui conseillerais, / même si
je le désire ». Mais à ce moment, déjà,
le dieu pense-t-il seulement à la reconquête de l'anneau
?
Wotan révèle à Brünnhilde sa grande crainte.
Lui, le dieu a pu donner naissance à ce héros espéré,
alors qu'Albérich, en soumettant une femme « dont l'or
força les faveurs », a donné naissance à
l'antihéros dont il peut tout craindre, «Une femme
garde / le fruit de la haine / la force de l'envie...». L'enfant
qui va naître, est Hagen, celui qui deviendra le meurtrier
de Siegfried.
Le « sombre ennemi de l'amour conçoit un fils dans
la haine », et lui le dieu, constate amèrement :
« mais moi, concevant dans l'amour, l'homme libre jamais je
n'obtiens.»
Puisque la loi mystérieuse qui transcende sa propre loi,
semble préférer la haine à l'amour, Wotan abandonne
: «Soit donc béni par moi / fils du Nibelung / ce qui
me fait vomir, / le t'en fais l'héritier, / la vaine splendeur
des dieux : / que ton envie avide l'a ronge.»
Et Siegmund ? Wotan a triché. Il ne devait ni l'aider, ni
lui communiquer ses désirs. Or, qui a donné l'Epée,
guidé le frère vers la soeur ; Siegmund doit trop
au dieu, devant le tribunal que nul ne connaît, dont les lois
restent impénétrables, Wotan sait qu'il aurait tort.
Et la pauvre Brünnhilde, restant encore sous l'emprise du dieu,
s'éloigne : «Que le poids / des armes me pèse
/.../ Hélas mon Walsüng ! / Dans le pire malheur, infidèle,
/ la fidèle doit te quitter ». Ne croirait-on pas entendre
la plainte intérieure d'un juge soumit à l'autorité
d'un état, condamnant le révolté, alors que
sa conscience est de tout coeur avec lui ? Sommes-nous loin de la
réalité de notre justice, prenant, à contrecoeur,
le parti des riches et des puissants.
1.1.6.3.3. Scène 3
Nous retrouvons un court instant les jumeaux
fuyant la maison de Hunding.
Sieglinde délire, pressentant la défaite de Siegmund
: « Tu tombes / en morceaux ton épée éclate
/ le frêne s'écroule / le tronc se brise / Frère
! Mon frère ! / Siegmund...ah ! ». Et elle tombe sans
connaissance dans les bras de Siegmund.
1.1.6.4.4. Scène 4
Aimer, c'est avoir quelque chose pour
qui mourir (Sénèque)
Brünnhilde apparaît au regard de Siegmund : « Je
n'apparais qu'à ceux / que la mort attend : / celui qui me
voit / quitte la flamme de la vie ».
Ainsi la Walkyrie annonce-t-elle à Siegmund qu'il va mourir
au combat, et accéder au Walhall, mais... sans Sieglinde.
Siegmund rappelle la puissance de l'épée.
Wotan ne l'a-t-il pas forgée pour lui ? Brünnhilde lui
révèle la triste vérité : «Celui
qui la fit / te voue, depuis à la mort : / il prive l'épée
de sa force ».
Siegmund éclate : « Cette épée, -/ que
d'un imposteur je reçus : / cette épée -/ qui
dans le combat me trahit : -/impuissante devant l'ennemi, / qu'elle
se retourne donc vers l'ami ! / Deux vies s'offrent à toi
: prends-les Notung, / fer très jaloux ! / Prends-les d'un
seul coup !»
Alors Brünnhilde craque, oubliant l'obéissance au dieu,
le respect de la loi, elle promet à Siegmund d'être
avec lui dans le combat. Triomphe éphémère
de la passion sur le devoir.
1.1.6.5.5. Scène 5
Hunding approche. Le combat s'engage. Siegmund va frapper son adversaire
; mais Wotan veille, voyant Siegmund sur le point de l'emporter,
comprenant la trahison de Brünnhilde, le dieu interpose sa
lance, l'épée est brisée, Siegmund désarmé
est tué par Hunding.
Silence ; puis Wotan à l'adresse de Hunding : « Va-t-en,
valet ! / A genoux devant Fricka : / dis-lui que la lance de Wotan
/a vengé l'affront qu'elle souffrit.-/ Va !- Va ! »
Et Hunding, à son tour, tombe mort.
Brünnhilde a soulevé Sieglinde, l'emmène sur
son cheval, après avoir ramassé les morceaux de l'épée.
Sortant de sa torpeur, Wotan, furieux, se lance à la poursuite
de la fuyarde.
1.1.7. 2. Acte III
1.1.7.1.1. Scène 1
C'est la Chevauchée des Walkyries. Les vierges guerrières
se rassemblent au sommet d'une montagne rocheuse. A leur selle pendent
des guerriers morts. Cette chevauchée est ponctuée
de cris joyeux. Brünnhilde tarde ; lorsqu'elle arrive enfin,
ce n'est pas un héros mort qu'elle porte à sa selle.
Elle implore la protection de ses soeurs qui se dérobent
tour à tour ; tous craignent la colère du dieu. Désespérée,
Sieglinde demande à Brünnhilde de mettre fin à
sa vie de douleurs : « Ton épée, enfonce-la
dans mon coeur.»
Brünnhilde lui répond : « Vis, femme, / au nom
de l'amour ! / sauve le gage / que de lui tu reçus : / un
Walsüng grandit dans ton sein ». Alors Sieglinde : «Sauve
-moi, audacieuse ! / Sauve mon enfant ! / Protégez-moi les
filles, de tout votre pouvoir ». Wotan approche, Brünnhilde
donne son cheval à Sieglinde ; elle attendra le dieu, s'offrant
« aux coups de Wotan : / dans sa colère / je le retarde
/ tandis que tu fuis sa fureur ». Le duo qui suit est l'un
des sommets de la Tétralogie, Brünnhilde chante sur
le thème de Siegfried.
«...Car sache une chose / et penses-y toujours : / du monde
le plus sublime héros, tu gardes, femme, / en ton sein protecteur
! -/Conserve-lui les morceaux de l'épée ; / j'ai pu
les ravir au combat : / celui qui, un jour, / brandira l'épée
reforgée, / qu'il prenne son nom de moi / que “Siegfried”
soit victorieux ». Puis Sieglinde, sur le thème de
l'amour rédempteur, que nous ne retrouverons qu'à
la fin du Crépuscule des Dieux : «Sublime miracle !
/ Fille splendide, / c'est à toi que je dois / consolation
! / Pour celui qu'on aima, / le plus cher je sauve : / que tu sois
un jour, / remerciée pour ma joie ! / Adieu donc ! / Que
mes douleurs te bénissent. »
Sieglinde disparaît au moment où surgit Wotan : «
Arrête ! Brünnhilde... ». Et la fière Walkyrie
n'est plus qu'une enfant apeurée se dissimulant désespérément
derrière ses soeurs.
1. 1. 7. 2. 2. Scène 2
Wotan, qu'on a vu successivement, veule
devant Fricka, désespéré devant Brünnhilde,
avant de se reprendre, redevient le chef impitoyable, exigeant de
ses « soldats », non seulement le courage et l'abnégation,
mais l'absence, en leur conscience de toute forme de sentiment ;
s'adressant aux Walkyries tentant de plaider la cause de leur soeur,
le dieu les accable : « Engeance lâches ! Femmes pusillanimes
! / C'est tout le courage hérité de moi ? / Vous ai-je
élevées / vaillantes guerrières, / vous ai-je
forgées / des coeurs durs et tranchants / pour geindre et
pleurer maintenant / que ma colère punit l'infidèle
? Puis Wotan les chasse brutalement : Allons, filez vite, / sans
quoi malheur vous attend. »
1. 1. 7. 3 . 3. Scène 3
Wotan reste seul avec sa fille. Cette
est probablement le sommet de la Tétralogie, et l'une des
plus belles pages de la musique de tous les temps.
C'est à ce moment que le destin du dieu bascule. Au début
de la scène, Wotan semble bien décidé à
abandonner Brünnhilde au destin des simples mortels, ce qui
serait le renoncement définitif du dieu à son grand
projet, celui de laisser une chance à son héros de
naître et de s'accomplir. Mais Brünnhilde, c'est-à-dire
la vraie conscience du dieu va triompher. Brünnhilde, enfermée
dans son cercle de feu, ne pourra plus être délivrée
que par le seul Siegfried ; qui aura dû pour cela détruire
la puissance du dieu. C'est Wotan lui-même qui en a ainsi
décidé : « Qui craint la pointe / de ma lance
/ ne traverse jamais le
feu ! » ; paroles accompagnées du thème de Siegfried.
Revenons maintenant au déroulement de la scène.
La décision du dieu semble donc irrévocable, il prive
Brünnhilde de son essence divine, et l'abandonne sur terre
au premier qui en fera son esclave vouant sa seconde fille au même
sort que la première, Sieglinde.
L'argument de Brünnhilde est simple : je ne t'ai pas désobéi,
car je n'ai fait qu'obéir à ta vraie volonté,
celle qui te commandait de donner la victoire à Siegmund
; c'est parce que je suis ta vraie volonté que j'ai agi ainsi.
« Je savais que tu aimais le Walsüng... ». C'est
Fricka qui a fait agir un autre que toi-même. Et cela, Wotan
ne le sait que trop ! Brünnhilde tente aussi d'émouvoir
le dieu : « Je dus voir Siegmund. /Devant lui annonçant
la mort, / je vis son regard, /l'entendit parler ; / J'appris du
héros la sainte détresse : /.../ Je ne pensais plus
/ qu'à le servir. / partager avec lui / la victoire ou la
mort ». Puis Brünnhilde fait de Wotan le vrai responsable
de sa faute : «Confiante en celui / qui mit cet amour / au
fond de mon coeur / et en la volonté / qui m'associa au Walsüng,
/ je défiai tes ordres ». Wotan tient encore, il accuse
Brünnhilde de faiblesse : « Tu buvais, heureuse, / l'ivresse
brûlante / de ton émotion /.../ Tu t'es soumise / au
pouvoir de l'amour / suis maintenant / celui que tu dois aimer ».
Brünnhilde lui révèle (ou lui rappelle) la future
naissance de Siegfried, mais rien n'y fait, le dieu énonce
la sentence : « Dans un sommeil profond / je t'enferme : /
qui te réveille, désarmée, / te prenne, éveillée,
pour femme. » Brünnhilde devient alors véhémente
: « Protège l'endormie / d'une frayeur farouche, /
pour que seul un héros sans peur, / très libre, /
me trouve un jour / sur le rocher ». La Walkyrie désigne
clairement Siegfried, et le dieu résiste encore : «
Par trop tu désires / trop de faveurs ». Brünnhilde
éclate : « Cela tu dois, / tu dois l'écouter
! / Brise ton enfant, / enlaçant tes genoux : / piétine
qui t'aime, détruit la vierge, / que ta lance efface / la
trace de son corps : / mais ne la livre pas, cruel, /au plus effrayant
opprobre. Qu'à ton ordre / des flammes s'élèvent,
/ entourant le roc / d'un brasier ardent... »
Et Wotan cède, il enlace tendrement sa fille, alors que s'élève
une musique sublime...Plus de Tétralogie, plus de dieu, plus
de monde ; l'expression de l'amour le plus pur, le plus puissant
qui s'exalte au moment de la séparation nécessaire...et
définitive ! Un père qui donne à sa fille son
dernier baiser, qui voit briller ses yeux pour la dernière
fois, qui pour la dernière fois caresse ses cheveux, la dernière
fois.
Wotan frappe le sol de sa lance, invoquant Loge, le dieu du feu.
Les flammes entourent le rocher. Le sort de Wotan et des dieux est
définitivement scellé.
« Qui craint la pointe / de ma lance, / ne travers jamais
le feu ». Paroles achevant la scène, prononcées
par Wotan sur le thème de Siegfried.
2. Siegfried, deuxième journée | |
1.1.8.1. Acte I
1.1.8.1.1. Scène 1
La forge de Mime, le frère d'Albérich. Mime a recueilli,
après sa fuite devant Wotan, la pauvre Sieglinde qui est
morte en mettant Siegfried au monde, après avoir remis au
forgeron les morceaux de l'épée. Mime tente désespérément
de forger une épée (il échoue à ressouder
Notung), mais ses efforts sont vains ; A chaque tentative, le jeune
Siegfried brise à nouveau l'épée, contraignant
Mime à recommencer.
Siegfried surgit, accablant le nain de sarcasmes méprisants,
et une fois de plus, brise l'épée que Mime vient de
préparer. Mime rappelle son dévouement, les soins
apportés naguère à l'orphelin, rien n'y fait,
l'isolent garçon multiplie ses injures : «Vieil imbécile
/.../ sale bigleux /.../ sale malandrin, etc. ». Pressé
de question par un Siegfried menaçant, Mime doit révéler
au héros ses origines qu'il lui a, jusqu'à aujourd'hui,
cachées. Il doit révéler aussi l'existence
des morceaux de l'épée ; cette nouvelle provoque chez
Siegfried une grande exaltation, celui-ci exige alors de Mime qu'il
reforge l'épée ; ce qui met le nain au désespoir
: « D'aucun nain le marteau / ne peut les façonner
/ l'envie du Nibelung, / la peine, la sueur, / Notung ne le rivent
pas / ne reforgent pas l'épée ».
1.1.8.2.2. Scène 2
Wotan apparaît, sortant de la forêt, il est le Wanderer,
le voyageur parcourant le monde avec sa lance comme bâton
de pèlerin. Wotan propose à Mime le jeu des trois
questions où chacun met sa tête en gage. Mime commence,
et interroge le dieu sur les trois mondes : « tu as tout trouvé,
/ ta tête est libre : / va, voyageur, ton chemin ! ».
Mime a reconnu Wotan, et sent le piège s'ouvrir devant lui,
car le dieu lui impose de se soumettre au jeu à son tour.
Wotan interroge le nain sur la race des Walsüng, puis sur l'épée
que devra brandir Siegfried devant Fafner ; puis vient la troisième
question : « Dis-moi donc, / sage armurier, / qui, des puissants
morceaux, forgera Notung, l'épée ?». Mime a
perdu !
« Ta sage tête / garde-la bien : / je l'abandonne à
celui / qui jamais n'apprit la peur.»
Wotan laisse Mime effondré sur un tabouret derrière
l'enclume. Et un troisième personnage, invisible, manifeste
sa présence sous les yeux atterrés du nain : Loge,
invoqué en silence par Wotan. Un feu ardent envahit la forge
; après avoir protégé Brünnhilde, Loge
va maintenant aider Siegfried à reforger Notung.
1.1.8.3. Scène 3
Retour de Siegfried; devant l'impatience du héros Mime ne
peut que répéter les dernières paroles du voyageur
: « Seul celui qui jamais/ ne connut la peur / reforgera Notung.
»
Mime échafaude sur cette idée un plan qu'il pense
génial : convaincre Siegfried qu'il est important de connaître
la peur ; d'ailleurs : « C'est ta mère / qui parle
par moi ; / je dois tenir / ce que j'ai promis : / ne pas te laisser
affronter le monde, / sans que tu n'aies appris la peur ».
Et cela marche. La peur c'est à Neidhöhle que Siegfried
peut la connaître, devant le dragon ! Si Siegfried connaît
la peur, Mime perd l'anneau, mais sauve sa tête, dans le cas
contraire, le nain, après la victoire du héros se
débarrasse par ruse de celui-ci, et le voilà maître
du monde !
Et Siegfried, qui a compris que c'était lui seulement qui
possédait le pouvoir de reforger l'épée, se
met à l'ouvrage. Au comble de l'exaltation, il réduit
les morceaux de l'épée en poudre, la refond, puis
la forge, au cours d'un fabuleux duo où chacun suit son rêve
sans s'inquiéter des projets de l'autre. Siegfried absorbé
par son travail : « Souffle soufflet, attise le feu. /.../
Notung ! Notung ! / Désirable épée, / ton acier
a bien fondu /.../ Dans l'eau s'écoula un / fleuve de feu
/.../ Hoho ! Hoho ! Hohie ! / forge mon marteau ». Mime durant
ce temps poursuit son rêve : « Il forge l'épée
/ et abat Fafner /.../ Le trésor, l'anneau, / il les gagne
/.../ Avec astuce et ruse / je les gagnerai, / et sauverai ma
tête.../ Mime hardi, / Mime est roi, / prince des Albes /
roi de l'univers ! »
Siegfried a achevé son travail : « Notung ! Notung
! /.../ Montre à nouveau / aux larrons ta clarté !
/ Frappe les faux, / abats les salauds ! / Forgeron regarde :- /
Ainsi tranche l'épée de Siegfried ». Il lève
l'épée au-dessus de sa tête, puis frappe l'enclume
qui se brise en deux.
1.1.9.2. Acte II
1.1.9.1. 1. Scène 1
Nous sommes devant l'antre de Fafner. Celui-ci, transformé
en dragon grâce au Tarnhelm, veille sur son trésor,
en se nourrissant, à l'occasion de voyageurs imprudents ou
téméraires. Albérich et Wotan se retrouvent
face à face. Wotan se joue à nouveau du Nibelung à
qui il feint abandonner le trésor, mais : « Je laisse
agir pour lui / celui que j'aime... ». Albérich se
montre sceptique : « Avec Mime seul / je ma battrais pour
l'or ?». Par dérision Wotan réveille lui-même
le dragon suggérant au Nibelung de mettre Fafner en garde.
« Fafner ! Fafner ! / Réveille-toi dragon !».
Albérich est étonné : « Que fait-il là
? / Me laisse-t-il vraiment ? », mais relève le défi
: alors que Fafner sort de sa léthargie, il lui crie : «
Veille Fafner ! / Veille dragon ! / Un grand héros approche,
/ il veut, toi, le saint, te combattre ». Et Wotan ajoute
: « Audacieux est l'enfant, / tranchante est son épée
».Tout cela n'émeut guère Fafner qui, d'une
voix caverneuse murmure : « Je suis là, / je possède
: / laisse-moi dormir ».
Wotan s'éloigne, laissant Albérich, dans l'ombre assister
à la scène suivante.
1.1.9.2. 2. Scène 2
Le jour se lève, Siegfried et Mime
arrivent devant Neidhöhle ; dialogue où Mime tente,
en dressant du dragon un portrait épouvantable de faire connaître
la peur à Siegfried, mais en vain : « Est-ce là
tout ce / que ton astuce / peut m'enseigner ? / va dans ton chemin
; / ici je n'apprends pas la peur ». Mime s'éloigne,
et ce sont les murmures de la forêt.
Siegfried évoque, son père, sa mère, alors
que le chant d'un oiseau se fait entendre.
Dialogue impossible, Siegfried confectionne un sifflet avec un roseau,
puis n'obtenant rien de bon, utilise son cor, ce qui réveille
Fafner. Celui-ci apparaît ; c'est le combat, et la victoire
de Siegfried. Le géant, retrouvant sa vraie forme, agonise
en manifestant une étrange sympathie pour le héros,
comme s'il lui était reconnaissant d'avoir mis fin à
sa vie triste et inutile. « Fais attention, / jeune héros
: / qui à l'acte aveugle t'excita, / pense à ta mort
maintenant ! / Vois-tu la fin ?-/ Attention !»
En enlevant son épée du coeur du monstre, la main
du héros est éclaboussée de sang : «
Le sang brûle comme le feu ». IL porte la main à
sa bouche, et le chant de l'oiseau lui devient intelligible : «
Hei ! C'est è Siegfried / le trésor des Niblungen
/.../ S'il devinait le pouvoir de l'anneau, / il serait le maître
du monde... »
1.1.9.3. 3. Scène 3
Mime et Albérich se disputent le
trésor, en espérant que l'innocent Siegfried se contentera
de la victoire. Mais lorsque celui-ci sort de la grotte avec le
heaume et l'anneau, Albérich comprend que pour lui la partie
est finie, et laisse son frère se débrouiller avec
Siegfried. Et l'oiseau parle à nouveau « Hei ! Le heaume
et l'anneau / sont maintenant à Siegfried ! / Oh ! S'il se
méfiait / de Mime, le traître ! / Qu'il écoute
bien / du coquin les paroles hypocrites ! / Il peut comprendre Mime
/ et ce que dit son coeur : / il le peut, d'avoir bu le sang ».
Mime propose à Siegfried un breuvage empoisonné, mais
ne peut s'empêcher de révéler au héros
ses intentions véritables : « Je couperai la tête
à l'enfant : / j'aurai la paix et aussi l'anneau ! /.../
Alors mon Walsüng ! / Fils de loup ! / bois et étrangle-toi
: / jamais plus tu ne boiras ! ! Hi ! Hi ! hi ! hi !». Et
Siegfried tue Mime. Puis il suit l'oiseau qui le guide vers le rocher
de Brünnhilde : « Hei ! Siegfried abattit/ le méchant
nain ! / Je saurai pour lui / la plus belle femme; / elle dort sur
le plus beau rocher, le feu sa demeure entoure : / qu'il traverse
les flammes, et qu'il l'éveille, / Brünnhilde serait
à lui !»
1.1.10.3. Acte III
1.1.10.1.1. Scène 1
L'irrésistible marche de Siegfried
vers le rocher de Brünnhilde a commencé, guidée
par l'oiseau, qui lui-même, selon toute vraisemblance obéit
à Wotan. Celui-ci sait donc ce qui l'attend, puisqu'il a
lui-même mis en place le scénario de sa chute. Mais
il est tenaillé maintenant par la contradiction qui fait
l'essence même du complexe de Wotan, il n'a plus la volonté
d'assumer jusqu'au bout la responsabilité de ses actes. Il
se tourne vers Erda avec l'intention de lui faire porter la responsabilité
du désastre.
« Veille, Wala ! / Wala ! Réveille-toi ! ». Wotan
invoque Erda, la Mère, celle qui préside, silencieuse
au destin de chacun, et au destin du monde. Mais le dieu sait-il,
maintenant, ce qu'il veut ? Quel secours il attend ? « Personne
au monde / ne sait plus que toi ; / tu sais ce que cachent / les
profondeurs /.../ Je cherche à savoir.»
Erda, mère de Brünnhilde, ne peut plus connaître
ce dieu, qui a choisi d'assumer un destin propre, en se séparant
de l'univers, avant de lui imposer sa loi :
« Mon sommeil est songe, / mon songe la pensée, / ma
pensée le savoir. / Mais quand je dors / les Nornes veillent
: / elles tissent la corde /et filent ce que je sais :-/ demande
donc aux Nornes ». Wotan comprend que Erda cherche à
se dérober ; il se fait plus pressant :
« Les Nornes tissent / sous l'empire du monde : / elles ne
peuvent rien changer. / Mais ta sagesse / pourrait me dire / comment
arrêter la roue qui roule ?»
La demande est claire ; Wotan a déclenché un mécanisme
qu'il ne contrôle plus.
Comme l'apprenti sorcier, il a besoin du maître pour conjurer
la catastrophe ; En l'occurrence, le maître est aussi dépassé
: « Eveillé, / tout me trouble : / sauvage, embrouillé,
/ tourne le monde !». Erda poursuit : « La Walkyrie,
/ l'enfant de la Wala, / punie dans les liens du sommeil, / quand
la mère lucide dormait ? / L'obstiné / punit l'obstination
? / Qui fit naître l'acte, / colère le poursuit ? /
Qui maintient les droits, / garde les serments,-/ s'oppose au droit,
/ règne parjure ? / Laisse-moi redescendre !-/ Et que mon
savoir dorme !»
Dernière tentative du dieu : « Es-tu du monde / la
plus sage, /dis-moi donc : / comment le dieu vainc l'angoisse ?».
Mais Erda : « Tu n'es pas / ce que tu dis ! / Que vins-tu,
sauvage entêté, / troubler le sommeil de la Wala ?»
Wotan peut donner libre cours à sa rancoeur ; il sait maintenant
qu'il devra accomplir jusqu'au bout son projet insensé :
« Tu n'es- pas / ce que tu crois ! / La sagesse des mères
/ finit : / ton savoir s'efface / devant ma volonté. Sais-tu
ce que Wotan veut ? /.../ Le plus doux Walsüng / j'instaure
aujourd'hui l'héritier. / Celle que tu me donnas, / Brünnhilde,
/ le héros se l'éveillera : /éveillée,
ton enfant du savoir / accomplira / ce qui le monde libérera.-
/..../ Quoi que les autres fassent, / à l'éternellement
jeune / cède, ravi, le dieu. /.../ Descends ! Descends !
Au sommeil éternel. »
Voilà, Wotan a rompu les dernières attaches, épuisé
l'ultime espoir. Il espérait encore de Erda une intervention
comme celle de la scène finale de L'Or du Rhin, une mise
en garde qui soit un ordre venant d'une instance supérieure
à la quelle il puisse se soumettre, et sauver ainsi ce qu'il
a contribué à détruire. Ne plus être
celui qui dicte, qui commande, mais qui obéisse, en conservant
tout son pouvoir. La naissance du héros n'a pas seulement
mis fin à l'ordre imposé par les Runes gravées
sur la Lance, mais aussi de l'ordre cosmique dans sa totalité.
Sagesse originelle est maintenant silencieuse. C'était le
prix à payer pour qu'une conscience libre puisse créer
son propre monde, son ordre propre, un monde qui ne connaît
plus, ni déterminisme, ni causes finales.
1.1.10.2. 2.Scène 2
Pour Wotan, il reste une dernière
formalité : affronter Siegfried dans un faux combat, tout
étant réglé d'avance. Le dieu attend Siegfried
non loin du rocher ; est-ce lui qui a libéré l'oiseau
de son rôle de guide ? En tout cas le héros se retrouve
seul, un moment désorienté : « il me montra
le chemin : / et le voilà disparu ! »
Le dialogue s'engage, et l'attitude de Siegfried vis-à-vis
de Wotan ressemble fort à celle qu'il a eue envers Mime.
Wotan tente de faire comprendre à Siegfried qu'il est celui
qui a guidé sa destinée : « Qui t'a dit / de
chercher le rocher ? / Qui, d'aspirer à cette femme ? /.../
Comment as-tu pu / comprendre le chant ? /.../ Qui te poussa / à
combattre le dragon ? /.../ Qui fit l'épée / dure,
tranchante, / à quoi le plus fort succomba ? /.../ Mais qui
fit / les puissants morceaux, / dont toi, tu fis ton épée
? » Ces questions reçoivent des réponses assez
courtoises du héros ; mais à la dernière celui-ci
répond : « Je n'en sais rien ! / Je savais seulement
/ que les morceaux ne me seraient rien, / sans en refaire mon épée
». En répondant : « Ça- je le pense aussi
», éclate d'un rire joyeux, ce qui déclenche
la colère de Siegfried : «Tu te ris de moi ? /.../
Peux-tu m'indiquer le chemin ? / Parle : / si tu ne peux pas, /
ferme ta gueule !
Puis : « Prends garde te dis-je, / que tu ne partes comme
Mime !». Effort désespéré de Wotan pour
se faire reconnaître, après que Siegfried ait plaisanté
sur son oeil manquant :
« De l’oeil qui à moi / comme second me manque,
/ tu vois toi-même celui / qui m'est resté pour la
vue ». Ce qui déclenche le rire de Siegfried : «
Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! / Tu me fais rire, ma foi ! »
Wotan se fait plus précis : « Si tu me connaissais,
/ rejeton hardi, / tu m'épargnerais l'injure ! / Lié
à toi / j'ai mal que tu me menaces. »
Siegfried : « Restes-tu muet, / rétif pantin ? / Ôtes-toi
de là... »
Wotan devient menaçant : « Crains le gardien du roc
! / Mon pouvoir tient enfermée / la fille endormie : / qui
la réveille / et qui la conquiert, / le pouvoir m'ôte
à jamais. /.../ qui désire la femme / est arrêté
par le feu. / Arrête, enfant enragé ! »
Et le dieu, oubliant qu'il a lui-même construit le scénario
de sa chute, jette ses dernières forces dans la bataille
: « Si tu ne crains pas le feu, / que ma lance te ferme la
voie !- / Ma main tient toujours / le signe du pouvoir : / ce bois
brisa jadis / l'épée que tu brandis : / qu'elle se
brise encore / à la lance éternelle ! »
Jubilation de Siegfried : « L'ennemi de mon père !
/ Je le trouve ici ? / Belle occasion / pour ma vengeance ! / Brandis
ta lance : / que mon épée la brise en morceaux ! »
La lance de Wotan éclate en deux morceaux que le dieu ramasse
calmement : « Va ! Je ne peux te tenir !». Et Siegfried
vole vers le rocher :
«Ardeur ! Ivresse ! / Eclat de lumière ! / Rayonnante,
la voie / m'est ouverte,- / Me plonger dans le feu ! / Et dans le
feu trouver la femme !-/ Hoho ! Hahei ! / J'attire une douce compagne
! »
1.1.10.3. 3. Scène 3
Parenthèse dans le drame, cette scène, comme la dernière
de la Walkyrie, consacre le triomphe de l'amour.
Siegfried a traversé le rideau de feu et s'approche de Brünnhilde
endormie. Lui qui allait, triomphant vers la femme, semble avoir
perdu la mémoire. Découvrant la silhouette endormie
: « Ah ! Un homme en armes... ». IL défait la
cuirasse, et « sursaute, effrayé et étonné
» : « Ce n'est pas là un homme ! ». Et
le fier héros, qui n'a tremblé, ni devant Fafner,
ni devant Wotan, connaît la peur : « Mon esprit chancelle
sous le vertige ! / Où est mon salut, / qui peut m'aider
?-/ Mère ! Mère ! / Pense à moi ! »
La peur et aussi la passion qui gagne le héros : «
Tout flotte, chancelle / autour de moi ! / Un désir ardent
/ ronge mes sens ; / au coeur hésitant / tremble ma main
!-/ Serais-je lâche ?-/ Est-ce cela la peur ? /.../ Doucement
tremble / sa bouche de fleur. / Comme elle m'attire, / moi sui n'ose
pas ! / Ah ! L'odeur de ce souffle / chaud, envoûtant ! /
Eveille-toi, éveille-toi, / femme très sainte ! »
Musique indicible...Enfin Brünnhilde s'éveille ! «
Salut, soleil / salut, lumière ! / Salut, jour éclatant
! »
Les paroles de Brünnhilde paraissent étranges à
Siegfried ; « Je t'aimai toujours ; / car moi seule, / je
suis la pensée de Wotan : / la pensée que je ne dus
/ jamais nommer... »
Siegfried est transporté par la passion ; que lui importe
finalement ce que dit Brünnhilde : « Comme un miracle
/sonne ton chant ; / mais le sens m'en reste obscur. / Je vois la
lumière de tes yeux ; / je sens la chaleur / de ton souffle
: / le chant doux de ta voix, / je l'entends : / mais ce qu'en chantant
tu dis, / je ne le comprends pas. /.../ Je ne puis concevoir / ce
qui est loin, / quand tous mes sens / ne font que te voir et sentir
! ». Et devant l'ardeur du héros, Brünnhilde,
à son tour connaît la peur et l'angoisse. Alors que
Siegfried se fait de plus en plus pressant, la Walkyrie tente désespérément
de se soustraire : « Je vois le bouclier /.../ et je vois
le casque /.../ lis ne protègent plus rien ! /.../ Malheur
! Malheur ! / Malheur de la honte, / de la détresse ! / Celui
qui m'éveilla / m'a blessée ! / Il brisa ma cuirasse,
mon casque : / Brünnhilde je ne suis plus ! ».
Mais Siegfried n'écoute plus que son désir : «
Le feu allumé en moi / me consume /.../ Maintenant, femme,
éteint le feu ! / Fais taire l'ardeur écumante ! ».
Dernier sursaut d'orgueil de la Walkyrie : « O Siegfried !
Splendide ! / Trésor du monde ! / Vie de la terre ! / Héros
de joie ! / Laisse, oh laisse ! / Oh laisse-moi ! / Ne m'approche
pas / dans ta fureur ! /.../ Ne détruis pas qui tu aimes
/.../ O Siegfried ! Fils de lumière ! / Aime-toi, / et laisse-moi
: / ne détruit pas ton propre être ! »
Siegfried : « C'est toi que j'aime /.../ Eveille-toi Brünnhilde
/ Sois mienne ! Mienne ! Mienne ! ». Brünnhilde est vaincue
: « O Siegfried ! Tienne, / je l'étais de toujours
! ». Puis : « Siegfried ! Siegfried ! / Ne me sens-tu
pas ? / Mon regard te dévore : / ne t'aveugle-t-il pas ?
/ Mon bras te serre ; / ne brûles-tu pas ? / Que mon sang
en flots /s'élance vers toi ; / le feu sauvage, / ne le sens-tu
pas ? / Ne crains-tu Siegfried, / ne crains-tu pas / la femme déchaînée
? »
Brünnhilde a choisi : « Disparais / monde du Walhall
! / Que tombe en poussière / ton fier Burg ! / Adieu faste
splendide / des dieux ! / Finie dans la joie / race éternelle
! /.../ De Siegfried à présent / l'étoile me
luit... »
L'acte s'achève sur un duo où les deux héros
prononcent les mêmes paroles :
« De Brünnhilde l'étoile me luit ! / Elle (Il)
m'est pour toujours ; / éternellement / l'héritage,
/ l'un et le tout : / L'amour rayonnant, / la riante mort ! »
Ils s'unissent quasiment sur la scène, heureusement, le rideau
tombe !
3. Le crépuscule des dieux, troisième journée | |
1.1.11.1. Prologue
Trois personnages énigmatiques
sont en scène : les Nornes. La première porte une
corde d'or qu'elle fixe aux branches d'un sapin. Filles d'Erda,
celle-ci leur a délégué ses pouvoirs sur l'ordre
du monde.
Mais rien ne va plus ! La corde, symbole d'un univers régi
par un parfait déterminisme, s'attachait jadis aux branches
du Frêne sacré, axe des mondes, support éternel
des trois mondes. Le Frêne a péri ; plus de point d'appui,
que de vulgaires sapins, qui, par deux fois manifestent leur faiblesse.
C'est seulement que nous apprenons l'origine d'un déclin
souvent évoqué au cours du drame : Wotan a taillé
la lance qui lui donne le pouvoir dans une branche du Frêne
et « Au cours de temps très longs / la blessure rongea
le bois... »
Sans point d'appui, plus de divination ! Les Nornes dont le travail
est de tisser le destin de chacun, s'acharnent désespérément.
Finalement la corde est fixée à un rocher ; mais :
« La pierre pointue / entama la corde ; / les fils ne se tendent
/plus fermement : / la tresse est embrouillée : /.../ Trop
lâche est la corde / je n'arrive pas / à la diriger
vers le nord. / Il faut le tendre plus ! » « Cassée
». « Fini le savoir éternel ! / Au monde plus
rien / n'apprennent les sages. »
Les Nornes disparaissent comme absorbées par la terre, alors
que l'aube naît. Nous retrouvons Brünnhilde et Siegfried
dans la crique de pierre où la Walkyrie avait été
endormie, puis réveillée par le héros ; Duo
d'amour ; Siegfried donne à Brünnhilde l'anneau du Nibelung.
La Walkyrie offre son cheval au héros, qui s'éloigne
de la Walkyrie :
« Salut Brünnhilde / splendide étoile ! / Salut
amour rayonnant ! »
« Salut Siegfried / lumière triomphante ! / Salut,
vie rayonnante ! »
C'est alors la fameuse page symphonique du « voyage de Siegfried
sur le Rhin », interlude musical conduisant au premier acte.
1.1.12.1. Acte I
1.1.12.1.1. Scène 1
Une salle de palais. Trois personnages
sont en scène : Gunther, roi des Gibichungen, sa soeur Gutrune,
et son demi-frère Hagen. Ce dernier est le fils d'Albérich.
Le Nibelung a, en effet renoncé à l'amour, mais pas
aux femmes. Ainsi Wotan et Albérich ont fait le même
projet : reconquérir l'anneau par descendance interposée.
Siegfried possède l'anneau (bien qu'il soit au doigt de Brünnhilde).
Hagen ne peut espérer conquérir cet anneau en affrontant
Siegfried ; il doit donc procéder par ruse. Nous saisissons
facilement le plan du fils du Nibelung : jeter Siegfried dans les
bras de Gutrune, provoquer ainsi la jalousie de Brünnhilde.
Son plan est diabolique à souhait. Grâce à un
philtre, il prive Siegfried du souvenir de Brünnhilde ; si
bien que le héros livrera la Walkyrie à Gunther. Ici
encore, c'est Hagen qui donne à son demi-frère le
désir d'épouser Brünnhilde. Gutrune est déjà
éprise de Siegfried ; tout marche à merveille pour
Hagen,
d'autant plus que Siegfried arrive par le Rhin qui coule au pied
du palais de Gunther. (8) « Mon sommeil est songe. / Mon songe
est pensée, / ma pensée source de sagesse. / Mais
quand je dors / les Nornes veillent : / elles tissent la corde /
et filent, dociles, ce que je sais : / pourquoi ne pas questionner
les Nornes ? », répond Erda à Wotan, lorsque
celui-ci interroge la déesse sur son destin. (Siegfried,
acte III, scène 1)
1.1.12.2.2. Scène 2
Gunther fait acte d'allégeance
à Siegfried : « Moi, pour rien, je te servirai. »
Gutrune offre à Siegfried le breuvage préparé
par Hagen. Siegfried boit, et, immédiatement, tombe follement
amoureux de Gutrune. Gunther et Siegfried se prêtent mutuellement
serment de fidélité au cours d'une cérémonie
rituelle où ils mêlent leur sang pour en faire un breuvage
qu'ils se partagent. Le plan, inspiré par Hagen est simple.
Siegfried ; grâce au heaume, prendra l'apparence de Gunther,
et contraindra Brünnhilde à le suivre. En échange
de ce service, il recevra Gutrune !
1.1.12.3.3. Scène 3
Nous retrouvons Brünnhilde sur son
rocher, alors qu'apparaît Waltraute, l'une des ses soeurs.
Celle-ci feint d'abord de ne rendre visite à Brünnhilde
que par pure affection : « Pour toi seulement / j'ai couru
». Mais Waltraute dévoile aussitôt le but de
sa démarche, elle supplie sa soeur de rendre l'anneau aux
filles du Rhin afin de conjurer la malédiction.
La tragique description qui est faite du Walhall et de Wotan, «
Les éclats de sa lance / serrés dans son poing / sans
toucher aux pommes de Holda (9)...», n'y font rien : «
Elance-toi ! / Vole à cheval, / l'anneau, tu ne me le prendras
pas ! », s'écrit Brünnhilde.
Waltraute s'éloigne : « Malheur ! Malheur ! / A toi,
ma soeur, / aux dieux du Walhall, malheur ! »
Le feu qui protège le rocher s'anime à nouveau. «
Siegfried ! Siegfried revient ? / Et il m'envoie son appel ! / Allons
au devant ! / Dans les bras de mon dieu ! ».
Mais : « Trahison ! - Qui vient là ? ». Siegfried
certes, mais coiffé du heaume qui lui donne l'apparence de
Gunther. « Je suis un Gibichung, / c'est Gunther le héros
/ que, femme tu dois suivre ». Imprécations de la Walkyrie
accusant Wotan de son malheur, puis :
« Reste loin ! Crains ce signe ! / Tu ne pourras me toucher
/ tant que l'anneau me protège ».
Courte lutte ; Siegfried arrache l'anneau du doigt de Brünnhilde.
« Te voici mienne, / Brünnhilde, femme de Gunther, /
emmène-moi dans ta chambre ». Et la fière Walkyrie
abandonne la lutte ; « Que peux-tu empêcher, / misérable
femme ! »
Siegfried tire son épée : « Toi, Notung, témoigne
/ que je suis resté chaste, / fidèle à mon
frère, / sépare-moi de sa fiancée ! ».
Le rideau tombe.
1.1.13.2. Acte II
1.1.13.1.1. Scène 1
La salle du château de Gunther.
Hagen est-il seul, endormi ? Une ombre accroupie, près de
lui, c'est Albérich : « Dors-tu Hagen, mon fils ? ».
Le Nibelung exhorte son fils à la vengeance, et à
la reconquête de l'anneau, mais Hagen reste passif, plongé
dans son rêve.
Un rêve sans illusion : posséder l'anneau et le pouvoir
comme autant de fatalités !
Albérich reste soucieux ; il tente de secouer l'apathie de
son fils. « Toi, le sans peur, / j'ai conçu / pour
que tu tiennes bon / contre les héros. / Pas assez fort /
pour tuer le dragon / - tâche au Wälsung seul destinée-
/ j'élevai Hagen, / haineux et coriace, / pour me venger
maintenant, / regagner l'anneau, / bravant le Wälsung et Wotan
! / Me le jures-tu, Hagen, mon fils ? ». Et Hagen répond,
toujours aussi lointain : « A moi-même, je le jure,
/ oublie ce souci !». L'aube se lève alors que Albérich
s'éloigne tel un fantôme : « Hagen, mon fils,
/ soit fidèle ! Héros bien-aimé ! - Fidèle
! / Fidèle ! - Fidèle ! »
1.1.13.2. 2. Scène 2
Retour, par le fleuve, de Siegfried seul.
Gutrune se montre inquiète, et déjà jalouse
: « Tu soumis donc la fière femme ? /.../ Mais se donna-t-elle
à toi ? /.../ Comme son mari tu comptais ? ». Siegfried
reste peu convainquant : « A son mari elle obéit /
une nuit entière de noces. /.../ Près de Gutrune était
Siegfried ». Ce qui ne convainc guère la pauvre Gutrune
: « Pourtant, à ses cotés, Brünnhilde'
? ». Et Siegfried, montrant son épée/ «
Entre l'est et l'ouest, le nord : / si près - Brünnhilde
était loin. »
1.1.13.3.3. Scène 3
Hagen exhorte le peuple d'une manière
si ambiguë que les hommes croient à un péril
menaçant leur roi. Hagen les rassure, les armes sont pour
le sacrifice en l'honneur du retour de Gunther et de son épouse.
Celui-ci, accompagné de Brünnhilde accoste à
son tour.
1.1.13.4.4. Scène 4
Gunther présente son épouse
au peuple et s'avance vers Siegfried. Epouvante de Brünnhilde
apercevant Siegfried, et stupéfaction de la foule : «
Qu'a-t-elle ? Perd-elle le sens ? », chante le choeur des
hommes. Et Brünnhilde accuse publiquement, désignant
successivement Siegfried et Gunther : « Ah ! Ce fut lui /
qui m'a arraché l'anneau / Siegfried, voleur, imposteur.
/.../ (s'adressant à Gunther) Traître, en arrière,
/ toi-même trahi ! / Sachez-le donc tous : / pas lui- / c'est
l'homme là-bas, / mon mari (désignant Siegfried).
»
Pour défendre son honneur et celui de Gunther, Siegfried
accuse Brünnhilde de mensonge, et se soumet à l'ordalie
suggérée par Hagen : « J'y risque la pointe
/ de ma lance : / qu'elle grade l'honneur du serment. »
Siegfried : «...toi, atteins-moi : / si la femme dit vrai,
/ si le frère j'ai trahi ! »
Brünnhilde : «...pointe, écoute-moi bien ! /Je
consacre ta force, / pour qu'elle l'écrase ! / Je bénis
ton tranchant, / pour qu'elle le coupe... »
La scène s'achève dans la liesse populaire, déchaînée
par Siegfried : « Gais, les hommes ! / Allons au repas ! /
gaies femmes / aidez au mariage ! »
1.1.13.5.5. Scène 5
C'est la scène du complot. Siegfried
et Gutrune quitte la scène. Restent, Brünnhilde, Gunther
et Hagen. Brünnhilde réclame un vengeur, mais lorsque
Hagen lui propose ses services, elle se rit de lui : «...
toi ? / Un seul regard de ses yeux plein de flammes /.../ à
néant mettrait / toute ta force ». Cette ironie ne
touche guère Hagen, bien trop occupé à mener
à son terme son plan diabolique. « Souffle-moi donc
/ un sage conseil / pour écraser le héros ».
La Walkyrie révèle alors à Hagen la faiblesse
du héros : « Au combat non ; mais / si tu frappais
son dos... ». Gunther, jusqu'à ce moment prostré,
est
secoué par Hagen ; il faut que Siegfried meurt ! D'abord
accablé, Gunther se laisse convaincre. Et c'est le trio achevant
le deuxième acte :
Gunther et Brünnhilde : « Qu'il expie la honte / qu'il
me créa ! / Il a trahi / la foi jurée ; / qu'il expie
de son sang / la faute ! » ; Hagen, en même temps, se
sentant déjà victorieux : « Qu'il meure / le
rayonnant héros ! / Mien est le trésor, / il doit
être à moi : / L'anneau / lui soit arraché.»
1.1.14.3. Acte III
1.1.14.1.1. Scène 1
Sur la suggestion de Hagen faite à
la dernière scène de l'acte précédent,
une partie de chasse est organisée au cours de laquelle Siegfried
doit être victime d'un accident de chasse.
Siegfried, égaré se retrouve au bord du Rhin, où
s'ébattent Woglinde, Wellgund, et Flosshilde, les trois filles
du Rhin. Elles s'efforcent de séduire Siegfried, espérant
récupérer l'anneau que le héros porte au doigt
: « Un anneau d'or / orne ton doigt ! / Donne-le nous. »
« Riez, riez seulement ! /.../ Vous ne l'aurez jamais ».
Alors les menaces :
«... Siegfried, / pour toi, nous savons le pire. / Pour ton
malheur / tu gardes l'anneau. /.../ Fuis, fuis la malédiction.
/ Des Nornes la tissèrent / de nuit / dans la corde de la
loi. »
Siegfried se rit de ces menaces : « Jamais vous ne m'arracherez
l'anneau ! / Car la vie, le corps, / voyez :- ainsi- / je les jette
loin de moi ». Les filles du Rhin renoncent alors à
convaincre le héros :
« Adieu, Siegfried ! / Une fière femme / héritera
de toi ce jour : / elle nous écoutera mieux : / allons vers
elle ! Vers elle ! Vers elle ! »
1.1.14.2.2. Scène 2
Les chasseurs accompagnant Hagen et Gunther retrouvent Siegfried.
« Hé ! Gunther, / que tu es triste ! / Si tu veux bien,
/ je te chante des souvenirs / de ma jeunesse ». Et Siegfried
raconte : « Mime était / un nain grincheux... »
Il fait revivre la renaissance de Notung, le combat avec le dragon,
la découverte du trésor, les révélations
de l'oiseau, le meurtre de Mime. C'est Hagen qui mène le
jeu ; Siegfried doit maintenant retrouver le souvenir de Brünnhilde.
Hagen fait boire à Siegfried un breuvage, et...
« Tristement j'écoutai / vers la cime : / l'oiseau
chantait toujours :- / Hé, Siegfried a abattu / le méchant
nain ! / Je sais encore pour lui / la plus belle femme -/ dormant
sur un haut rocher. /.../ Je traversai le feu / et je trouvai, /
dormant, une femme sublime. /.../ De quelle ardeur m'entoura / les
bras de la belle Brünnhilde ! ». Siegfried a donné
maintenant la preuve que son serment était parjure ; Hagen
peut agir en toute légalité !
Deux corbeaux s'envolent d'un buisson. « Comprends-tu aussi
/ le cri des corbeaux ? / Ils crièrent vengeance ! »
clame Hagen. Siegfried sursaute, tourne le dos à Hagen qui
le frappe de sa lance. Gémissement de Gunther : « Hagen
qu'as-tu fait ? ». « J'ai vengé le parjure !
»
Et c'est l'agonie de Siegfried ; les mêmes accords que ceux
précédant le réveil de Brünnhilde, puis
:
« Brünnhilde ! / Sainte fiancée ! / Eveille-toi
! Ouvre les yeux ! / Qui te renferma / dans le sommeil ? / Qui te
rendormit dans l'angoisse ?- / L'éveilleur vint ; / son baiser
t'éveilla, / à la fiancée- / il brisa les liens
;-/ la joie de Brünnhilde lui rit !- / Ah ! Ces yeux- / ouverts
pour toujours ! / Ah ! Souffle ivre / de cette haleine !- / Douce
volupté, / aube céleste :- / Brünnhilde m’offre-
le salut ! »
Siegfried meurt. Les hommes soulèvent son corps et s'éloignent
; c'est la célèbre marche funèbre.
1.1.14.3.3. Scène 3
Anxiété de Gutrune guettant
le retour de Siegfried. Hagen paraît : « Nous rapportons
/ le butin. /.../ Debout ! Gutrune ! / Salut Siegfried ! / Le grand
héros / est de retour ! /.../ La proie d'un sanglier sauvage
: / Siegfried : ton mari tué ». Gutrune accuse Gunther,
qui pour se défendre désigne le vrai coupable : «...
C'est lui le maudit sanglier / qui tua le noble héros.»
Dispute autour de l'anneau. Hagen tue Gunther ; mais lorsque le
meurtrier veut saisir la main de Siegfried pour s'emparer de l'anneau,
le bras du héros se dresse, menaçant.
Hagen recule, tous sont saisis de stupeur.
Brünnhilde s'avance : « Taisez de vos plaintes / le flot
triomphal ; / sa femme, trahie par tous / s'avance pour le venger
». Gutrune comprend qu'elle aussi a été trompée
: « Ah ! Misère ! Je le sais soudain, / c'était
Brünnhilde, la douce / qu'il oublia par le breuvage ».
Elle se détourne alors du corps de Siegfried, et reste, jusqu'à
la fin, prostrée sur le corps de son frère. Commence
alors le long monologue de Brünnhilde. « D'épaisses
bûches / entassez-moi là-bas »
Brünnhilde évoque Siegfried : « Tel le plus pur
soleil / sa lumière me frappe ; / c'était le plus
pur / qui me trahit. /.../ Nul ne fit / des serments plus vrais
; / nul ne fut / plus fidèle aux contrats ; / nul ne fut
/ plus pur en amour ; / mais tous les serments, / tous les contrats,
/ l'amour le plus fidèle- / nul ne trahit comme lui ! »
Puis elle s'adresse à Wotan : « Ecoute ma plainte,
/ Dieu sublime ! / Pour son action la plus brave / que tu désirais
tant, / tu vouas celui / qui l'accomplit / à la malédiction
qui t'atteignit ; / et moi, / le plus pur dut trahir, /pour me faire
comprendre enfin ! / Sais-je enfin ce qu'il te faut ? / Tout, tout,
/ je sais tout - / tout, tout m'est libre enfin ! /.../ Dieu, trouve
le repos ! »
Aux filles du Rhin : «... Que le feu qui me brûlera
/ éteigne la malédiction ! / Vous, dans les flots,
/ dissolvez l'anneau, / et gardez pur / l'or lumineux, / qu'on vous
vola par malheur. »
« ... Heiajoho ! Grane ! / salue ton seigneur ! / Siegfried
! Siegfried ! Vois : / ta femme heureuse te salue ! ». Puis
chevauchant Grane, Brünnhilde se précipite dans le brasier
où se consume le corps de Siegfried. Le feu s'éteint
; le Rhin envahit l'espace.
Apparaissent les filles du Rhin jouant avec l'anneau. Hagen se précipite
dans les flots en prononçant les dernières paroles
du drame : « Ne touchez pas à l'anneau ». Les
filles du Rhin se saisissent de lui et l'entraînent vers le
fond. Tandis que s'enflamme le Walhall, retentit le thème
de Siegfried, mêlé à celui de l'amour rédempteur.

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